Stéphane Couturier – Matérialité et Combinatoire

Stéphane Couturier – Matérialité et Combinatoire

Episode 8
1:07:40

À propos de ce podcast:

Stéphane Couturier est un photographe plasticien français pour qui, depuis les années 90, la ville et l’architecture, les lieux de mutations et les espaces urbains, sont des sujets de référence. Lauréat en 2003 du célèbre prix Niepce, Stéphane Couturier s’est très tôt fait reconnaître par ses photographies en couleur de très grand format, par la construction singulière de ses images puis l’hybridation des outils argentiques et numériques.
Au fil de grandes séries aux titres emblématiques : Archéologie urbaine (1995-98), Melting (2000…), Landscaping (2002), Alger- Cité Climat de France (2015), Nouveaux constructeurs (2018…), le photographe a élargi sa pratique à la vidéo et a favorisé des mises en perspectives avec les grandes figures de la modernité artistique. Son œuvre a fait l’objet d’importantes expositions en France et à l’étranger (Musée F. Léger à Biot, la Maison Européenne de la Photographie, le Centre Georges Pompidou à Paris, Lausanne, Washington, Moscou, Jérusalem, Los Angelès, New-York,…) et figure dans de grandes collections privées et publiques. Par ailleurs de nombreuses monographies lui ont été consacrées dans des éditions de référence.

https://www.stephanecouturier.fr

Berlin, Krausenstrasse,#9, 1995, cibachrome.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Série Landscaping, Olympic Parkway, triptyque n°1, San Diego, 2002.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Seoul -Shindorim - dong - 2002.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Série Melting-Point, usine Toyota, 2005.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Chandigarh-Replay- Secrétariat-02 - 2006-2007.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Série Melting-Point, Monument 1, Brasilia, 2007-2008.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Série Melting-Point, couvent de la Tourette, n°3- Eveux, 2009-2010.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Série Nouveaux constructeurs - Sète – Port #6.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Série - E1027 +123 - Villa Eileen Gray Roquebrune #2 - 2021-2022.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris
Angers - Chant de l’ Apocalypse - 2022 - Tapisserie.
Courtesy Galerie Christophe Gaillard - Paris

Quelques pistes pour aller plus loin …

Bachelard Gaston, La poétique de l’espace, PUF,1957.
Baqué Dominique, La photographie plasticienne, un art paradoxal, éd. Regard, 1998.
Bonillo, Jean-Lucien (Dir.), Fernand Pouillon, architecte méditerranéen, Marseille, éditions Imbernon, 2001.
Braudel Fernand, Le modèle italien, Arthaud, 1989.
Colomina Beatriz, La publicité du privé : de Loos à Le Corbusier, (MIT, 1994), trad. M.A Brayer, éd. HYX, 1998.
Couchot Edmond et Hillaire Norbert, L’art numérique: [comment la technologie vient au monde de l’art]. Paris,: Flammarion, 2003.
During Elie, Faux raccords. La coexistence des images, Actes Sud/Villa Arson, 2010.
E 1027. Renaissance d’une maison en bord de mer, (collectif), éd du Patrimoine/ Centre des monuments historiques, 2022
Latour Bruno et Hermant Emilie, Paris, ville invisible, Les empêcheurs de tourner en rond/ La découverte, 1998.
Lefebvre Henri, La production de l’espace (1974), Paris, Anthropos, 2006.
Le Corbusier / Lucien Hervé: Kontakte, Schirmer / Mosel Verlag, 2011.
Krauss Rosalind, « La grille » in l’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, trad, J. P Criqui, éd. Macula, 1993.
Giedon Siegfried, Espace, temps, architecture, trad, Fr. Rosset, éd. Denoel, 2004.
Le Corbusier, Vers une architecture (1913), Flammarion, 2008.
Le Corbusier, Urbanisme (1925), Flammarion, 2011.
Pouillon Fernand, Mémoires d’un architecte, éd. Seuil, 1968.
Ragon Michel, Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes, (T1) –(T2),éd. Casterman, 1986.

 

Podcast enregistré et produit au studio radio, Studio 8, du Service création audiovisuelle de l’université Paris 8.

Chapitrage

01:10
Photographe plasticien et racine documentaire
04:56
Espaces en chantier et « all over photo »
12:23
Du feuilleté au jeu combinatoire
21:35
Architecture et latence du géopolitique
33:26
Dialogues entre les arts
43:32
Matérialité comme geste documentaire combinatoire
51:05
L’architecture comme organisme [du] vivant
01:01:23
Du combinatoire vers la coexistence
01:08
Fin

Extraits:

M-D 
Le fait même d’être présenté comme photographe plasticien depuis vos premières séries des années 90 … revendique un travail à partir de, avec… une ou plusieurs images … pourquoi cette expression vous convenait à l’époque et vous convient toujours ?
S-C
 La photo reste l’élément de base de mon travail … il y a toujours en soi cette racine documentaire … qui fait pour moi la spécificité de la photographie… le côté plasticien : peut-être par opposition à une photo de reportage où finalement l’essentiel du travail se fait à la prise de vue… maintenant je dirai que l’essentiel du travail se fait au moment du tirage, au moment de la post production qui est cette manière d’assembler l’image et de voir comment à partir du matériau photo on peut transfigurer ce banal, ce quotidien vers quelque chose de nouveau
M-D 
 Photographe plasticien avec un accessit important : tout ce qui a à voir avec l’architecture … l’urbanisme, ses mutations,… les lieux urbains du chantier… tout ce qui nous dit le géo politique…
S-C
 Série “ Archéologies urbaines” (1995) - il faut se replacer dans le contexte de l’époque avec tout d’un coup un choix pour une photo de très grand format … qui était cette idée de pouvoir faire en sorte que le spectateur puisse en s’approchant de l’image détailler chaque partie de l’image… on est dans un protocole assez précis, d’abord une frontalité – çà c’est quelque chose d’essentiel pour moi car on est dans une sorte de grille et cette grille va abolir l’idée de centre, de point de repère dans l’image pour au contraire être dans l’idée d’un all over … déhiérarchisation du sujet et en même temps … l’envie que j’ai d’être dans cet entre-deux temporel… au carrefour de différents niveaux de lecture … de strates… qui vont faire en sorte que l’on peut l’appréhender d’un point de vue géo politique, historique, plastique, architectural, sociologique… finalement cette grille implique une sorte d’intrigue picturale.
M-D 
 All over, couleur saturée… puissance visuelle … et en même temps cette fouille du regard que vous nous insufflez… la grille [pour] aller fouiller, aller trouver ces strates … où il y a ce feuilleté en jeu … des sortes de palimpsestes urbains… début des années 2000  grandes séries « Melting ».
S-C
 Années 2000… nouvelle technologie le numérique… idée de combinatoire… idée de travailler sur des diptyques, triptyques, polyptiques… le « Landscaping » manière de refaire du paysage… chacun des éléments est un élément purement concret du réel, mais l’association de deux ou trois ou quatre éléments, devient un jeu de combinaisons… [et] à un moment donné je fais une prise de vue et sans le faire exprès je superpose une deuxième photo sur le même film… tout d’un coup l’image correspondait au bruit, au mouvement que je n’avais pas dans la première image, une sorte d’image augmentée, une image hybride, une image sonore… qui correspondait à l’environnement dans lequel j’étais lorsque j’avais fait la première prise de vue… série que j’ai appelée « Melting » … travail hybride dans sa technologie … hybridité entre argentique et numérique… [mais aussi] hybridité d’un point de vue visuel et d’un point de vue technique.
M-D 
 Le réel est un outil, le numérique est un outil... et sur le plan théorique çà déhiérarchise aussi certains concepts … intérêt [aussi] pour d’autres lieux caractéristiques… travail autour de Le corbusier… et jeu de combinatoire avec le numérique.
S-C
L’idée du jeu est un jeu de déconstruction de l’image et de reconstruction photo ... Le Corbusier entre le pictural et l’architectural… quand je parle de combinatoire, on est dans cette idée de dualité, on joue avec deux éléments… l’idée d’associer deux éléments se retrouve très évidement dans l’idée de mêler l’architecture de Le Corbusier à Chandigarh avec ses œuvres plastiques … [puis] l’année suivante, à Brasilia et la trame architecturale d’Oscar Niemeyer mais aussi ses courbes… on a cette idée de revisiter l’histoire de l’architecture, mais aussi l’histoire des politiques, de l’économie… c’est pour cela que je reste attaché à cette idée de racine documentaire, de ces différents niveaux de lecture qui vont nous faire revisiter … strates temporelles, d’histoire … on est dans cette dynamique combinatoire, dans cette idée de régénérer, de transfigurer … idée de jeu où on va montrer l’avant l’arrière… qui est une sorte de déconstruction de reconstruction.
M-D 
 Autre dialogue intellectuel et artistique, avec autres grands artistes de notre modernité… les peintres... Il y a une corporéité - un « corps » qui invente une matérialité, un espace… [mais] il y a aussi quelque chose de l’organique… qui revient à dire le vivant dans des architectures … une autre combinatoire faite de différentes matérialités ?
S-C
 Pour « les nouveaux constructeurs » (2018), j’ai découvert que Fernand Léger s’inspire d’une photo qui fait la couverture de l’URSS en construction … et la construction des grattes ciels de Staline à Moscou… La photo est partie prenante de l’univers des peintres… Le Corbusier parle d’espace indicible et comment cet élément étranger à l’architecture va être un « provocateur d’espace » … idée d’association, d’hybridation, de fusion est toujours à l’œuvre de manière générale quand on voit l’histoire de l’art… on arrive à des choses qui sont intuitives mais qui finissent par se confirmer d’une manière d’une autre.
M-D 
 Autre matérialité comme geste documentaire du combinatoire ?... mais aussi le cibachrome dans ce travail de combinatoire…
S-C
 Ce qui pouvait être intéressant c’était de partir des montages numériques et de revenir à l’argentique... on ressort un ektachrome à partir d’un montage numérique et cet ektachrome on va le tirer de manière traditionnelle avec un agrandisseur et une chimie cibachrome … on a une espèce d’aller et retour entre une technologie argentique et une technologique numérique, c’était un jeu qui m’intéressait… mais pour aller vers l’argentique… comme on joue avec la picturalité… quand je photographie une œuvre de Fernand Léger… je suis obligé de faire un lissage pour que cette picturalité arrive à fusionner avec une photographie… on est dans une réinterprétation.
M-D 
 Le travail vidéo avec des choix particuliers… et apparition de la présence humaine.
S-C
 Stratification d’histoires, au carrefour de différentes disciplines. «  Algérie – Cité Climat de France » . Dans les années 30-50, en Algérie… l’architecture est un instrument de paix sociale.. (dont la cité climat de Fernand Pouillon) … envie de faire une sorte de radiographie humaine de cette architecture… j’ai fait 200 portraits en hommage à Fernand Pouillon pour ces 200 colonnes (de la cité Climat). … et montrer des vidéos, du bruit car il y a des gens… [mais] vidéo n’est pas le cinéma, pas un début, pas une fin…travail sur la boucle… déplier l’architecture… déplier la grille… puis idée de triptyque vidéos et en écho, polyptique de bande de modules… car c’est une architecture modulable .. on est à chaque fois dans cette trame qui est identique et qui par l’appropriation des habitants devient différente… fait naître des choses improbables… c’est là où l’architecture est vivante.
M-D 
 Exposition « construire par l’image » (2023) à Reims non chronologique… lieu comme scène, .. du combinatoire à la coexistence de lieux, d’histoire… pas de hiérarchie.. et expérimentation d’autres supports.
S-C
 Incursion vers la tapisserie… au-delà de la photo, récréer des liens, du lien entre différentes histoires… idée [toujours] d’aller et retour… par moment, l’œuvre est autonome, il faut ouvrir quelques éléments pour aller chercher un niveau de lecture… et par moment il y a une sorte d’intrigue .. parce que l’on a ces coexistences.

Auteur:

Auteure :
Michelle Debat

Critique d’art, membre de l’AICA - France, professeur des universités, théoricienne de la photographie et de l’art contemporain. Elle a notamment publié son autoportrait théorique en photographie et art contemporain, La photographie : essai pour un art indisciplinable. éd. PUV. 2020.

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Série de conversations entre une théoricienne de l’art et un.e artiste contemporain.e


Des podcasts entre livre audio et essai critique

Des conversations entre une théoricienne de l’art et un.e artiste contemporain.e

Des questions, des réflexions, des contradictions… à propos ce qui se fait, de ce qui se montre, de ce qui s’entend et se dit, dans l’art d’aujourd’hui

Des œuvres actuelles d’ici et d’ ailleurs

Bref,

De la voix, du langage, des images… et de la pensée

Tout ce qui accompagne des acte(s) d’art(s) Pour le plus grand nombre de curieux

Michelle Debat – professeur des universités et critique d’art AICA https://epha.univ-paris8.fr


Avec le soutien du laboratoire de recherche AI-AC (Arts des images - Art contemporain) de l’université de Paris 8

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